Vies de Spinoza by Jean COLERUS LUCAS

Vies de Spinoza by Jean COLERUS LUCAS

Auteur:Jean COLERUS, LUCAS
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Allia
Publié: 1999-01-14T16:00:00+00:00


On a fait tant de différents rapports, et si peu véritables, touchant la mort de Spinoza, qu'il est surprenant que des gens éclairés se soient mis en frais d'en informer le public sur des ouï-dire, sans auparavant s'être mieux instruits eux-mêmes de ce qu'ils débitaient. On trouve un échantillon des faussetés qu'ils avancent sur ce sujet dans le Menagiana imprimé à Amsterdam en 1695, où l'auteur s'exprime ainsi :

“J'ai ouï dire que Spinoza était mort de la peur qu'il avait eue d'être mis à la Bastille. Il était venu en France attiré par deux personnes de qualité qui avaient envie de le voir. M. de Pomponne en fut averti ; et comme c'est un ministre fort zélé pour la religion, il ne jugea pas à propos de souffrir Spinoza en France, où il était capable de faire bien du désordre, et pour l'en empêcher, il résolut de le faire mettre à la Bastille. Spinoza qui en eut avis, se sauva en habit de cordelier ; mais je ne garantis pas cette dernière circonstance. Ce qui est certain est que bien des personnes qui l'ont vu m'ont assuré qu'il était petit, jaunâtre, qu'il avait quelque chose de noir dans la physionomie, et qu'il portait sur son visage un caractère de réprobation.”

Tout ceci n'est qu'un tissu de fables et de mensonges ; car il est certain que Spinoza n'a été de sa vie en France ; et quoique des personnes de distinction aient tâché de l'y attirer, comme il l'a avoué à ses hôtes, il les a cependant bien assurés en même temps, qu'il n'espérait pas d'avoir jamais assez peu de jugement pour faire une telle folie. On jugera aisément aussi par ce que je dirai ci-après, qu'il n'est nullement véritable qu'il soit mort de peur. Pour cet effet je rapporterai les circonstances de sa mort sans partialité, et n'avancerai rien sans preuve ; ce que je suis en état d'exécuter d'autant plus aisément que c'est ici à La Haye qu'il est mort et enterré.

Spinoza était d'une constitution très faible, mal sain, maigre et attaqué de phtisie depuis plus de vingt ans ; ce qui l'obligeait à vivre de régime, et à être extrêmement sobre en son boire et en son manger. Cependant, ni son hôte, ni ceux du logis, ne croyaient pas que sa fin fût si proche, même peu de temps avant que la mort le surprît, et n'en avaient pas la moindre pensée. Car le 22 février, qui fut alors le samedi devant les jours gras, son hôte et sa femme furent entendre la prédication qu'on fait dans notre église pour disposer un chacun à recevoir la communion qui s'administre le lendemain selon une coutume établie parmi nous. L'hôte étant retourné au logis après le sermon à quatre heures ou environ, Spinoza descendit de sa chambre en bas, et eut avec lui un assez long entretien qui roula particulièrement sur ce que le ministre avait prêché, et après avoir fumé une pipe de tabac, il se retira à sa chambre qui était sur le devant et s'alla coucher de bonne heure.



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